Le village féministe de l’hôpital de La Grave

Le 6 et 7 mars dernier, l’association Toutes en grève 31 a monté un village féministe dans la cour de l’hôpital La Grave. Pendant 48h, les débats, les chants, les voix ont animé ce lieu symbolique au cœur du quartier de Saint-Cyprien.

Monter un village associatif éphémère

Pendant deux jours, les chemins de la cour de l’hôpital se sont transformés en véritable parcours associatif, entre cabanes et barnums. Une partie de la programmation reposait sur des événements ponctuels : tables rondes, prises de paroles et ateliers pratiques. L’autre partie était assurée par des stands associatifs permanents comme celui de la Bibliothèque anarcha-féministe, le Collectif La Grave ou encore le Mouvement des femmes kurdes, pour ne donner que quelques exemples.

Photographie publiée le 4 octobre 2019 sur la page Facebook de Toutes en grève 31

Ce weekend a permis une organisation collective autour de la journée du 8 mars, journée internationale des droits des femmes. L’importance de ce village résidait dans le fait de créer une communauté pour échanger autour de vécus similaires et pour partager des activités autour d’un objectif commun. Une partie des ateliers consistaient à préparer de manière créative la manifestation. On a pu voir des ateliers de fabrication de pancartes, de slogans ou encore de chants féministes. Le résultat est que chacun.e s’implique dans le développement de la journée du 8 mars et se sente légitime d’y participer. Les ateliers et les événements ont rendu possible la création de liens entre les participant.es, et peut-être également de leur donner accès à la communauté militante et de se familiariser avec elle. Ce milieu étant souvent « impressionnant », le weekend organisé les 6- mars a constitué un véritable moyen pour y trouver sa place.

Occuper l’hôpital de La Grave

Photographie de DAL Toulouse31 publié le 7 mars sur Facebook

Ces dernières années, le quartier de Saint-Cyprien a subi une série de mesures de gentrification. Le cas de l’hôpital public La Grave, cœur social du quartier, concentre cette réalité. L’hôpital est confronté à des coupes budgétaires et à la spéculation immobilière. Cette année, le DAL (association pour le droit au logement), qui occupait depuis 2017 un bâtiment abandonné dans l’enceinte de l’hôpital, a été expulsé. Le but de cette occupation était de reloger des personnes précaires et de leur donner accès à des services culturels et sanitaires essentiels. À l’occasion du 8 mars, l’association Toutes en grèves 31 s’est jointe au DAL31 et au Centre Social AB Pierre afin d’afficher un message politique clair. Ensemble, ces trois associations dénoncent le manque de soutien à l’hôpital public, s’opposent à la fermeture et à la destruction de lieux qui ont marqué la vie sociale toulousaine (on pense au Mix’art Myrys ou encore au Bleu bleu). D’ailleurs, le DAL31 a invité les manifestant.e.s du 8 mars à participer à la marche festive pour le Mix’art Myrys.

Sérigraphie anonyme datant de mars 2019

La Grave est un lieu hautement symbolique dans l’histoire des personnes précarisées. L’hôpital de la Grave est lié à l’histoire de l’aide aux femmes, au féminisme et aux minorités de genre. Le choix de cet emplacement pour cet événement résonne donc avec l’histoire de l’hôpital : d’abord hospice d’accueil des personnes précaires rejetées de la société, puis hospice psychiatrique des femmes et enfin maternité et école de sages femmes. Le lieu constitue un véritable point de départ pour parler du mouvement historique pour les droits des femmes. La compréhension de l’événement prend alors une autre dimension : cet événement s’est en effet emparé de l’histoire des femmes dans la ville de Toulouse. La réflexion et le désir de changement des militant.e.s d’aujourd’hui s’inscrit donc dans ce passé. Le choix de ce lieu est un moyen d’aborder la question des inégalités envers les femmes et minorités de genre par le prisme du patrimoine.



Autour de l’inclusivité et de l’accessibilité

Le collectif Toutes en grève 31 a pensé l’événement en termes d’accessibilité avant tout. Une traduction en langue des signes a par exemple été mise en place pendant les ateliers, et le lieu était accessible aux personnes à mobilités diverses; ce qui a bien été précisé dans la communication afin de n’exclure personne et d’encourager le plus de monde possible à venir. Le collectif a également fait le choix d’organiser la journée du 6 mars en non mixité choisie. Cette décision politique d’organisation est une façon de permettre aux femmes et aux minorités de genre de se sentir à l’aise dans le village. L’idée est de créer un endroit où chacun.e se sent en confiance. Ce climat incite l’expression individuelle. Ainsi, des ateliers tel que celui de football ont eu lieu. Une activité souvent réservée aux hommes, où les femmes peuvent se sentir mal à l’aise et illégitime. La non-mixité choisie sans homme cisgenre se présente comme un moyen de séparer jugement et pratique.

Photographie personnelle prise lors de la manifestation

Le village féministe a relevé le défi d’organiser une action politique et culturelle forte, en défendant l’inclusivité à différentes échelles. Le 8 mars, nous avons vu fleurir une multitude de pancartes, la diversité des slogans a rythmé les pas et les chants ont soulevé les cœurs !

Ilana et Elisa