La douceur d’un « souffle » au Théâtre Garonne

Le spectacle Sopro (Souffle) de Tiago Rodrigues, un bel hommage au métier de souffleur.euse

En entrant dans la salle, le spectacle commence déjà: les rideaux de fond bougent accompagnés de bruits de vent.
Pendant que le public s’installe, il peut se concentrer sur le décor: la reconstitution d’une scène de théâtre, vieillie par les années. On remarque un plancher abîmé, de l’herbe et des plantes sortent des interstices des lattes, le mobilier présent est ancien. Cela raconte déjà une histoire, qu’est ce qu’un théâtre abandonné peut livrer comme souvenirs?

Une comédienne qui n’en est pas une.

Ce spectacle est un hommage au métier de  Cristina Vidal, souffleuse depuis vingt-cinq ans au Teatro Nacional D. Maria II à Lisbonne, dont Tiago Rodrigues, le metteur en scène, est le directeur. C’est aussi un hommage à toute l’équipe du théâtre et les différents corps de métier que l’on peut y croiser.
La protagoniste n’est donc pas comédienne: elle va jouer son vrai « rôle » de souffleuse (profession en voie d’extinction) mais en étant présente sur scène. Elle sera accompagnée de six comédiens et comédiennes.

Tiago Rodrigues a conçu et créé un spectacle où s’entremêlent extraits de pièces classiques – de Racine, Tchekhov ou Sophocle – et des moments de coulisses, des anecdotes. Ceux-ci se croisent et se fondent, dans un souffle, car toute la pièce est construite autour de Cristina Vidal, soufflant le texte et donnant des indications, un peu à la manière d’une metteuse en scène. Toutes les histoires se passent dans le théâtre, aussi bien sur scène, que dans les coulisses ou les loges…

Le souffleur est le souffle vital du théâtre. Non seulement sa mémoire, mais aussi ses poumons. Il vit à cette zone frontalière entre le visible et l’invisible, la scène et les coulisses, le mot écrit et la parole, l’auteur et l’acteur.

Tiago Rodrigues

Une collection d’histoires: textes classiques et témoignages.

Ce spectacle est, pour moi, d’une richesse incroyable. L’histoire de cette souffleuse, qui parle de son métier, de sa relation avec le théâtre (à la fois les pièces et le lieu), de ses rencontres, est plein de tendresse et de douceur. Les extraits de pièces joués émergent des souvenirs de Cristina Vidal: ce qui l’a touchée, les phrases qu’elle a soufflées (car elle les a toutes notées au cours de sa carrière), les textes qu’elle a aimés… Ils permettent aussi d’entendre divers morceaux de textes classiques de théâtre (en portugais sur-titré) d’une manière très moderne.
On découvre un témoignage fort autour d’une vie, d’un métier, d’un lieu. La rigueur et la solennité avec laquelle elle aborde son métier permettent de faire ressurgir de sa mémoire les fantômes du théâtre dans lequel elle travaille.

Perte de souffle au théâtre Garonne?

Cela fait plusieurs années que je me rends au théâtre Garonne. Je viens souvent voir des oeuvres, groupes ou metteurs en scène que j’apprécie afin de suivre leur travail. Le lieu est ouvert, agréable et chaleureux. L’architecture est faite de vieilles briques toulousaines et grandes vitre en verre, mêlant ainsi ancien et nouveau.
Ce sont plutôt des publics d’habitués que l’on retrouve là-bas. On croise souvent les mêmes personnes. On entend régulièrement en début ou fin de spectacle « j’aime bien telle compagnie, tel metteur en scène, alors je viens voir sa dernière création ». Les publics du théâtre Garonne semblent acquis: ils connaissent le style des spectacles, les compagnies qui sont programmées, et ils viennent parce qu’ils connaissent et que ça leur plaît.

Je pense que les publics ne se renouvellent pas tellement et pas suffisamment (d’après mon expérience). Il faut dire que la communication autour des spectacles n’est pas des plus visibles, quelques panneaux d’affichage proche du théâtre, mais sinon tout se fait grâce aux mails et courriers adressés aux abonnés, ce qui tend à proposer les spectacles toujours aux mêmes personnes, sans s’ouvrir vraiment au-delà. Les spectacles de style(s) contemporains qui sont proposés sont extrêmement intéressants, et je trouve dommage que des publics plus divers ne puissent pas en profiter…

Si on souhaite en savoir un peu plus…

Tiago Rodrigues a présenté son spectacle au festival d’Avignon en 2017. On peut retrouver une interview de lui et en apprendre plus sur son approche du théâtre, sa conception d’un spectacle et de celui-ci en particulier: ça se passe ici.

Pour voir un extrait de la pièce (avec sous-titres) et avoir un tout petit aperçu de l’univers du spectacle Sopro: ça se passe ci-dessous!