Femmes de quartier, de la parole à l’action
Une programmation culturelle touffue pour échanger sur la place des femmes, plus particulièrement stigmatisées voire marginalisées, lorsqu’elles vivent dans certains quartiers.

Lutte contre la délinquance
L’évènement se déroule aux 3 Cocus au Centre culturel Renan installé dans le quartier Les Izards. Un quartier qui prit en octobre 2020 l’appellation de zone de “reconquête républicaine” suite à la visite du Premier Ministre Jean Castex. Ce quartier a déjà connu six fusillades dues aux trafics de drogue depuis l’Été dernier. L’appellation proposée par Jean Castex annonçait également l’augmentation du nombre de policiers et des moyens de la justice à Toulouse, pour contrer une forme de peur pour les habitants.
Face à cette peur, Yamina Aissa Abdi et d’autres femmes du quartier s’organisent et fondent en 2013 Izards Attitude (quand la rénovation urbaine rencontre la violence de la jeunesse, cela engendre énormément de tensions). Remarquant quelles ne peuvent compter que sur elles, leur intérêt se porte sur «le pouvoir d’action des habitants dans l’espace public et sur l’enjeu de la jeunesse et de l’éducation.» Leur collaboration avec le Tactikollectif actif sur les questions de l’immigration et des quartiers populaires semble alors aller de soi.
Il ne semble pas impertinent de se questionner sur l’absence des hommes dans ce collectif dont la préoccupation première est la sécurité et l’éducation des enfants des Izards. Cette journée a permis à quelques 300 personnes de s‘interroger ensemble sur le rôle incarné par ces femmes qui subissent la stigmatisation réservée aux personnes de quartier, souvent marginalisées.

Une programmation culturelle touffue
DE LA PAROLE…
L’exposition sur des parcours de femmes sous la forme d’un autoportrait à partir du modèle suivant : j‘étais… je suis… je serai… est ce que j’ai remarqué en premier. Les photographies sont installées à la vue de tous•tes devant l’Espace culturel Renan. Le ton introspectif invite naturellement à se mettre à la place de ces femmes et jeunes filles. Ce simple verbe être véhicule tant les regrets que les espoirs mais aussi les rêves que nous partageons.
Pendant que je dégustais un goûter offert, je vis soudain deux femmes, que je devine comédiennes, sur de grands escabeaux. Elles se mirent à lire des textes, à les crier pour être plus précise. Ces textes, ce sont des femmes qui les ont écrits. Elles remercient le peuple d’avoir voté pour elles et expliquent leur programme de Présidente. Les moins timides, prirent elles-mêmes la parole au micro pour incarner leurs idées sur l’égalité et la solidarité. Je retiens un certain nombre de revendications à la valorisation des femmes au foyer dont on minimise la charge de travail.
Avant de passer à l’action et à la fête, le réseau du Tacti nous a donné l’occasion d’assister à une conférence passionnante où étaient invitées Nora Hamadi, Sandrine Rousseau, Zouina Meddour et bien-sûr Yamina dont on parlait plus tôt. Elles parlaient de leurs engagements : comment c’est arrivé et avec quelles difficultés. Sandrine Rousseau, intervint comme le précisait avec humour le présentateur en tant que « femme blanche ». Étant la seule non concernée par les préjugés évoqués mais bel et bien engagée dans la lutte contre les agressions sexuelles. Je retiens comme problématique commune, la question de la légitimité.
A L’ACTION !
Pour cristalliser toutes ces réflexions, c’est une pièce de théâtre Le génie avec un E, pensée et jouées par des habitantes du quartier avec l’aide du metteur en scène Frédéric Jollivet.
« Femmes d’hier et d’aujourd’hui se mêlent en dix voix pour devenir les femmes de demain. » Sur scène sont repris les parcours de femmes des quatre coins du monde : Paulette Nardal, inspiratrice du courant littéraire de la Négritude, Petra Errera ou Pedro, soldate qui se fit passée pour un homme durant la révolution mexicaine de 191 ou encore, Justine Masika Bihamba, militante congolaise et fondatrice de la Synergie des Femmes pour les Victimes de Violence Sexuelle.
Entre ces récits, un danseur de hip-hop se mouvait sur des chants lyriques mais modernes réalisés au looper.
Ensemble, iels ont travaillé depuis janvier pour nous proposer un spectacle touchant. Les costumes ont été fabriqués dans un atelier couture proposé par Izards Attitude, un atelier parmi tant d’autres puisqu’elles organisent également des ateliers d’écriture, de prise de parole…
Le jeu d’acteur, clairement amateur, me fit penser à ses films qui font appel à des acteurs non professionnels afin d’accéder à une sincérité et une authenticité extraordinaire : « [l]eur spontanéité, leur justesse et leurs éventuelles maladresses servent l’énergie du film. » (Interview de Laurent Canet pour Entre les murs à Rue89).

Pendant ce temps, une artiste graffeuse réalisait en direct une illustration mettant à l’honneur les femmes de quartier. A limage de ce processus de création rendu visible, nous avons pu apprécier la résilience et l’avancée de ces femmes qui participent tant bien que mal à transformer leur quartier en un espace d’émancipation individuel et collectif.
