Le Musée de l’Inquisition de Carcassonne : quand l’économie importe plus que l’Histoire
Économie oblige, la Cité de Carcassonne a vu ses échoppes d’artisans d’art et ses ateliers médiévaux disparaître au profit de boutiques de souvenirs, de chaînes de restaurations et autres snacks. En 20 ans, la plus part des activités et loisirs en lien avec l’Histoire ont disparus. Parmi les survivants, on peut noter le Musée et les Cachots de l’Inquisition. La ville ayant un passé très lié au Catharisme, la présence de cette institution est donc plutôt intéressante. Penchons nous donc un peu plus près sur cette Histoire…
Une expérience décevante
Arrivée au guichet, l’entrée s’élevait à 10.50€. Après avoir présentée ma carte étudiant, elle était à 9.50€. Passé la désagréable surprise, je me rationnalisais en me rappelant que le Musée, privé, ne bénéficie que de peu d’aide, si ce n’est d’aucune. Le prix, certes élevé, comprenait donc le salaire des employés, la restaurations des objets, le loyer du bâtiment (ces derniers étant affreusement onéreux à la Cité), et j’en passe.
Qu’à cela ne tienne, avec deux bâtiments, le Musée et les Cachots, la visite devrait être riche d’informations et d’idées. J’ai d’abord commencé la mienne avec les Cachots, qui se composaient d’une succession de pièces où des mannequins reconstituaient des scènes de l’inquisition. Il y avait donc, entre autre, le procès d’une jeune femme, une scène de repenti, des scènes de tortures. Outre les mannequins, il y avait également des photographies de tableaux et d’images représentant des scènes religieuses, et d’autres scènes d’inquisition. Des mannequins étaient également disposés ça et là, semblant avoir pour but de remplir un espace vide, servant donc uniquement de décoration. Nous reviendrons au cas de ces pauvres mannequins plus tard.
Après être sortie, je suis donc allée au Musée, situé quelques rues plus loin. Heureusement, il pleuvait ce jour-là, il y avait donc peu de personnes dans les rues, j’aurais sans doute eu du mal à trouver dans le cas contraire. Arrivée au Musée, je fus de nouveaux accueillie par des mannequins, accompagnés cette fois par des vitrines. Certains objets, trop grands pour celles-ci, trônaient dans des coins des pièces, séparés du public par un cordon. La scénographie, assez classique, restait plutôt agréable. Une partie de l’exposition, à l’extérieur, m’a cependant laissé perplexe : bien qu’agréable et originale, je n’arrêtais pas de penser à la conservation de ces objets, soumis entre autre aux intempéries.
Je suis sortie de ma visite très déçue. Non seulement il y avait, à mon goût, un grand manque d’informations, notamment temporelles et géographiques, mais en plus la qualité laissait plutôt à désirer. Premièrement, certaines iconographies étaient particulièrement pixélisées. Deuxièmement, les mannequins étaient trop propres, avec des vêtements trop modernes pour être réalistes. Ceci dit, l’information historique ne semblait pas au cœur des priorités de l’institution, pas plus que l’inclusion : la visite n’est effectivement pas adaptée aux jeunes enfants, mais aussi aux personnes en situation de handicap. L’accès dépend d’escaliers et il n’y a pas d’ascenseur. Aucun dispositif n’est prévu pour les personnes déficientes visuelles. Enfin, certains textes de cartels ont des fautes d’orthographes et la traduction anglaise est douteuse. N’ayant pas les compétences nécessaires pour vérifier les textes en espagnol, allemand, italien et russe, je ne peux en dire autant de ces derniers. Les multiples traductions sont cependant un plus, car elles s’adaptent à une grande partie des publics qui visitent la Cité.
Salle du bourreau, Cachots de l’Inquisition Cage de brigands, Cachots de l’Inquisition Reconstitution d’une scène de torture, Musée de l’Inquisition Premières vitrines du Musée de l’Inquisition Vitrines et objet de torture (Âne Espagnol), Musée de l’Inquisition Haches et guillotine, Musée de l’Inquisition
Une visite de désinformation
Passionnée d’Histoire médiévale, plusieurs informations m’ont beaucoup dérangée car elles sont historiquement fausses. C’est le cas, par exemple, de la Vierge de Fer et de la ceinture de chasteté. Il se trouve en effet que l’utilisation de ces deux objets a été démentie par deux historiens médiévistes, le premier en 1913 par Rémy de Gourmont, et le second en 2008 par Albrecht Classen. Or, les cartels explicatifs les présentent comme véridiques. Sachant cela, je ne pouvais m’empêcher de remettre en doute la véracité des propos tenus sur d’autres objets, qui manquaient par ailleurs de précisions temporelles et géographiques. Le parcours de visite était plutôt incohérent et mélangeait les objets de différentes époques et de différents lieux, le tout avec très peu de précision sur les dates. Or, en Histoire, la rigueur sur ces informations est primordiale, et un néophyte pourrait donc être trop facilement être induit en erreur après cette visite.
Vierge de Fer, Musée de l’Inquisition Cartel de la Vierge de Fer
Toujours dans la catégorie des faux pas historiques, les costumes des mannequins. En effet, ces derniers, s’ils sont d’inspiration médiévale, ne sont pas des mêmes époques, voire sont complétement fantasmés et fantaisistes. Ce ne serait pas dommageable si on ne nous présentait pas les scènes comme des reproductions fidèles, cherchant à immerger le spectateur.
Enfin, le mot de la fin, sur le cartel de conclusion est assez simpliste. Il évoque en effet les dérives qu’amènent les extrêmes, notamment religieux, en soulevant que ces instruments sont encore utilisés dans certains pays. Si c’est effectivement vrai, la formulation est assez maladroite, et même si l’intention est plutôt louable, le fait est qu’elle a été amenée de façon malhonnête. Encore une fois, certains objets sont des légendes et n’ont donc jamais servis. La plus part des objets que nous avons de nous jours datent du XIXe siècle (la première référence à une Vierge de Fer date en effet de 1802).
Bilan médiocre
Pour conclure cet article, je dirais donc que le musée est effectivement trop cher pour ce qu’il propose, c’est-à-dire une révision grossière de l’Histoire s’adressant aux touristes et aux visiteurs préférant le sensationnalisme à la recherche historique. Mis à part l’effort d’inclusion au niveau des langues et l’amabilités des jeunes gens aux guichets, je n’ai pas relevé beaucoup de points positifs. En somme, amateurs d’Histoire et autres curieux, je vous déconseille très fortement ce musée si vous passez par Carcassonne, autant utiliser vos 10€ pour acheter un livre à l’office de tourisme, les informations auront au moins le mérite d’être véridique.