« Carmen », envers et contre tout
Un opéra intemporel
On connaît la chanson. De « L’amour est un oiseau rebelle » à la « Chanson du Toréador », petits et grands ont tous déjà entendu ces incontournables de la musique classique française, extraits de l’opéra « Carmen », composé par Georges Bizet en 1875. Comment donc expliquer le succès et la continuité des adaptations de cet opéra ? Comment permette un renouvellement scénographique, voire scénaristique d’un opéra-comique connu, et reconnu ?
Joué au Théâtre du Capitole entre les 21 et 30 janvier 2022, « Carmen » nous offre une magnifique alchimie entre Marie-Nicole Lemieux et Jean-François Borras dans les rôles de Carmen et de Don José, ainsi qu’avec le reste de la distribution [celle du 28 janvier 2022]. Les seconds rôles y sont également brillants, à l’image de Micaëla, assuré par la très talentueuse soprano Elsa Benoit, et de la jeune danseuse de flamenco incarnant le double de Carmen, Irene Rodriguez Olvera.

© Alain Hanel
Un succès assuré ?
Réadapter une œuvre comme celle de Bizet peut s’avérer être difficile. Un succès assuré de par la réputation et l’accessibilité de cet opéra ou bien un manque d’originalité, le cœur balance.
Les renouvellements de mise en scène, réadaptations de l’histoire et mise en lumière de nouveaux talents, chanteurs et cantatrices sont autant de possibilités pour réinventer l’opéra de demain grâce aux œuvres d’hier. On se souvient notamment de la polémique liée à la réadaptation de « Carmen » par le metteur en scène Leo Muscato en 2018, en pleine période #metoo, provoquée par sa décision de ne pas tuer le personnage de Carmen, refusant le féminicide qui marque la fin du dernier acte de l’opéra.
Une scénographie épurée et efficace
Dans cette mise en scène de Jean-Louis Grinda, pas de changement d’histoire, mais une mise en scène extrêmement subtile et efficace pour souligner tous les aspects du textes. Le décor est composé en tout et pour tout de trois portes coulissantes, côté cour, jardin ainsi qu’au fond de la scène. La symbolique de la tauromachie y est très forte, en témoigne l’image projetée sur le mur de brique, marquée de la date de la composition de l’opéra.

© Mirco Magliocca
Deux immenses panneaux métalliques en forme de croissant, amovibles, complètent le tableau ; permettant la réalisation d’un travail splendide sur les ombres, les lumières et les projections. Ils subliment les chanteurs, cachant ce qui doit l’être, projetant l’ombre gigantesque et terrifiante de Don José sur Carmen lors du dernier acte, marquant sa domination et annonçant la fin tragique. Tous ces éléments entrent au service de l’œuvre, mettant en valeur toute la beauté métaphorique du texte et les émotions qu’il induit.
Promouvoir le spectacle vivant en temps de pandémie
Depuis plus de deux ans et demi, période rythmée par de longues fermetures de lieux de spectacles, salles de cinéma, qu’en est-il de la tenue des spectacles vivants ? Malgré la grandeur du théâtre du Capitole, tout nous rappelle malheureusement à la situation extrêmement variable, en particulier pour ce type de représentation : le chœur porte un masque sur scène, un renouvellement de la distribution doit être assuré pour maintenir les représentations…
Dans une période comme celle-ci, rien de tel que de se rendre au théâtre, à l’opéra, au cinéma, dans un lieu de culture, pour être transporté, au moins le temps d’un instant, dans un monde hors du temps.
© Théâtre du Capitole, Toulouse