La Revue des Spectateurs Art&Com

Médiations et publics | n°3 – Edition 2021-2022

Non classé

LES MAGNETIQUES de Vincent Mael Cardona (2021) : Un film d’époque, et d’actualité…

La rentrée scolaire cinématographique de ce mois de septembre 2021 a été bien gâtée. Si de vieux maîtres en la matière n’ont pas manqué au rendez-vous, de nouvelles têtes font leur apparition dans la cour du 7e art. A la tête de mon classement, j’ai nommé Vincent Mael Cardona et son brillant premier film Les Magnétiques.

Vincent Mael Cardona, Les Magnétiques, 2021

Le speech

« François Mitterrand est élu président de la République », on l’aura compris dès les premières minutes, nous voilà plongés en l’an 1981, et plus globalement dans l’ambiance des années 80. L’histoire s’attache à Phillipe, jeune homme qui vit péniblement dans une France rurale où il ne se passe rien, où l’on attend qu’il s’y passe quelque chose. Si son père garagiste a loupé le coche, son frère aîné, lui, déborde d’une énergie ardente, mais ce feu qui l’anime risquerait bien de le brûler… Philippe, lui, vit pour la musique. Sa soif de vie retentit dans le micro d’une radio pirate bricolée dans la grange familiale. Tout le long du film, c’est la voix de Philippe qui nous accompagne ; une voix-off et puis comme une émission de radio, vient de la musique, beaucoup de musiques même. Des danses métalliques des Joy Division, en passant par la musique punk des Undertones, adoucie ensuite par le lyrisme d’une variété symphonique avec le fameux « Premier Pas » de Claude Michel Schönberg et puis encore et peut-être surtout les super séquences sonores autour des créations sonores du jeune Philippe.

Monter le son c’est le moyen d’exprimer une colère, de combler un ennui, de calmer ses peurs, de trouver des mots que l’on n’a pas, que l’on ne saurait dire. Cette colère ressentie face à un système qui laisse toute impuissance aux jeunes gens. Cet ennui d’avoir la vingtaine dans un coin paumé de province dans les années 1980. Cette peur de la menace du service militaire d’antan. Ces mots bégayés à l’approche du sentiment amoureux. Philippe s’en sort en inventant son propre langage, celui du son, tout comme l’entièreté de cette jeunesse passée sous silence.

Les Magnétiques dépeint cette période plus désenchantée que l’on ne le croit. Son réalisateur tente de rétablir cette vérité en rendant la parole à la jeunesse de ces années 1980.

Le film d’une époque « no future », et d’une actualité qui n’en voit pas non plus

Si ce film peut sembler être un pur film d’époque, il est remarquable de voir le parallélisme avec la génération d’aujourd’hui dont nous, étudiants, faisons partie. Plus qu’un film d’époque, je me permettrais alors plutôt de le qualifier de film générationnel. Car si ce récit de quelqu’un qui cherche sa voie parmi des chemins incertains m’a tant parlé, c’est probablement parce qu’il résonne avec celui de ma génération. A travers ce film, l’on constate que ces années 80 ont été la matrice d’un aujourd’hui socialement et politiquement toujours bouché. Tout était déjà là : des inquiétudes écologiques aux statistiques d’un chômage de masse en passant par l’écrasement sous le poids d’un libéralisme toujours plus grandissant. Les Magnétiques réincarne l’esprit « no future » en ne tombant pas dans la caricature du pessimiste mais justement en refusant la nostalgie, en insistant sur le « vivre tant que possible l’instant présent », de rester en colère contre les carcans.

Confrontés à un monde qui stagne, se conserve et périt, la véritable génération « no future » est peut-être la nôtre. Parce que pour nous aussi approchent les élections à grands pas… Faces aux impasses de l’avenir, cet énorme écho aux vingtenaires d’aujourd’hui, qui met en scène l’imaginaire ultra créatif de cette génération 80, mais plus encore le feu qui anime un jeune homme en apprentissage de la vie, nous invite à rallumer cette flamme dans l’époque actuelle.