Art et architecture : des outils de médiation pour la réconciliation avec les communautés autochtones

Ce 28 janvier 2021 se déroulait la 6e édition de la Nuit des Idées,  coordonnée par l’Institut français. Cet événement mondial, organisé et diffusé en ligne pour cette année particulière, est consacré à la circulation des idées et des savoirs et à travers diverses disciplines, artistiques ou scientifiques. Parmi les nombreuses interventions, le Centre culturel canadien à Paris proposait de découvrir les interventions du cabinet d’architecture EVOQ sur le thème du « travail de réconciliation au moyen de l’architecture dans les communautés autochtones du Canada ».

« Proches » : les relations humaines en question


Les diverses interventions accessibles en ligne étaient regroupées sous un même thème : « Proches ». Ce grand live mondial, diffusé en streaming sur les réseaux sociaux, permettait de questionner les rapports humains par le biais de divers axes, tels que le numérique, ou bien la solidarité par exemple. Bien sûr intéressant par la diversité des sujets proposés, la communication autour de cet événement met également en valeur les atouts du numérique : éloignés physiquement par les circonstances, nous pouvons nous rapprocher, nous croiser, nous exprimer et partager au-delà des fuseaux horaires et des frontières dans une forme de voyage virtuel et intellectuel.

Les projets EVOQ : les autochtones et la construction coloniale du Canada


Dans ce contexte, il était possible d’écouter la présentation des projets du cabinet d’architecture EVOQ. Sous ce nom, l’entreprise existe depuis 2016, mais œuvre depuis maintenant presque 40 ans dans des projets tournés essentiellement vers le souci de la conservation du patrimoine, et notamment à propos de celui des Inuits et de Premières Nations autochtones.

Au micro, étaient présentes, Maya Cousineau Mollen, conseillère en développement communautaire des Premières Nations et Roxanne Gauthier, architecte. Dans un contexte de passé colonial encore très présent et ancré dans la mémoire et la quotidienneté des communautés autochtones, leurs initiatives, bien qu’antérieures, s’ancrent désormais dans un contexte politique encouragé par le gouvernement canadien. Par le biais de l’architecture, l’objectif pour EVOQ est d’encourager l’affirmation et la valorisation des identités culturelles, et d’effacer petit à petit, les symboles de domination coloniale qui passent notamment par l’habitat : souvent sédentarisées de force, ces communautés ont été installées dans des lieux de vie homogènes et imposés, en dehors des réalités et spécificités culturelles de chacune.

Des exemples : les projets d’aérogares


Pour illustrer cela, nous pouvons montrer un exemple développé durant cette intervention : la rénovation et l’agrandissement des aérogares du Nunavik, à la pointe nord du Québec, qui rassemble les quatorze villages innuits du pays. La voie aérienne étant la porte d’entrée principale de chacune de ces communautés, il apparaissait important d’en profiter pour modifier ces bâtiments datés des années 1980 qui étaient tous assez similaires. L’idée était alors d’évoquer les spécificités culturelles de chaque communauté par le biais de l’architecture de ces aérogares. Grâce à la consultation des divers conseils municipaux, les plans ont été élaborés à partir de thèmes uniques pour chaque village. Pour la communauté de Qwaqtaq par exemple, le beluga a été choisi car il est très apprécié pour la chasse et pour l’utilisation de son gras. Ce sont notamment la rondeur des revêtements et les couleurs qui rappellent le thème à l’extérieur. Pour la décoration de l’intérieur, l’idée était d’intégrer des œuvres d’art grâce au 1% artistique du Québec, qui permet d’octroyer 1% d’un budget à l’intégration d’une œuvre d’art à l’architecture : à cette occasion, un concours a été lancé auprès des artistes locaux et a donné lieu à la création de belugas en grandeur nature, suspendus au plafond.


EVOQ, Cartes – projet des aéogares, Nuit des idées, 28 janvier 2021
EVOQ, Les anciens aérogares, Nuit des idées, 28 janvier 2021.


EVOQ, Qwaqtaq, Nuit des idées, 28 janvier 2021
EVOQ, Sculptures belugas, Nuit des idées, 28 janvier 2021

Un processus de régulation, de valorisation culturelle et d’appropriation du territoire


Ce processus m’a semblé très intéressant car cela rappelait un des premiers sens donné à la médiation. EVOQ semble jouer ici un rôle de régulateur dans une tentative de réconciliation beaucoup plus large, entre deux partis : le Canada et les Premières Nations, coexistant sur un même territoire, mais pourtant très éloignés par un passé douloureux commun qui entrechoque les mémoires. De plus, cette initiative se fait en collaboration avec les communautés : ainsi, les premiers concernés sont aussi ceux qui participent à la production du projet. Enfin, si cela se joue au niveau culturel, ce type de projet a une ambition beaucoup plus large : par le biais du patrimoine architectural, il est question de valoriser et de transformer des lieux afin que ces communautés puissent s’approprier leurs lieux de vie, et affirmer une identité culturelle, pour eux-mêmes, la vie de la communauté, mais également pour la diffuser envers les visiteurs d’autres communautés, du Canada, ou bien du monde.