Rêver l’univers en ligne est il possible ?

Comme beaucoup d’événements culturels en cette triste période, l’exposition “Rêver l’univers” du Musée de la poste a été suspendue. Cependant comme pour beaucoup de structures culturelles, les contraintes révèlent de remarquables capacités d’adaptation et d’innovation. C’est dans ces circonstances que voit le jour le site internet “Rêver l’Univers – l’Exposition dévoilée” qui condense le travail de neuf artistes, chacun s’exprimant de façon très différente ( que ce soit dans les techniques ou dans les propos) sur son rapport à l’univers. 

Des images et du son qui nous plongent dans le cosmos

Dans une vidéo qui avoisine les 20 minutes, la commissaire de l’exposition Céline Neveux nous fait visiter l’exposition. La caméra est spectatrice, et nous emmène tour à tour visiter neuf créations différentes qui ont pour même sujet, notre univers commun. La caméra nous amène à voyager entre ces différentes œuvres. Chacune d’entre elles est commentée par la commissaire où les artistes eux-mêmes. La vidéo est un médium qui nous permet une immersion toute particulière, avec sa possibilité de moduler notre point de vue à l’aide de mouvements, zooms, puis montage, musiques et transitions. Notre expérience physique est modulée sinon augmentée.

Comme dans une visite au musée, les œuvres s’enchaînent mais nous n’en sommes pas moins immergés.  L’installation d’Anaïs Tondeur “L’envol du rêve” nous est présenté : la caméra alterne entre les plans où elle nous parle de son expérience et des vidéos de la NASA. Elle lit des extraits du carnet de rêve de Kenny Flammarion qui l’a inspirée puis qu’elle a envoyé dans l’espace, le tout sur une musique de Max Ritcher. On y découvre également le travail la série Phénomènes de Marina Gadonneix  qui, aux travers de ses nombreuses recherches, est tombée sur le travail de deux scientifiques américains qui ont voulu ’établir la couleur moyenne de l ‘univers… qui serait beige ! La parole laissée à l’artiste et superposée à la découverte de l’œuvre grâce à la retranscription vidéo nous offre une lecture très complète. En revanche, le temps qu’accorde la vidéo à chacun des neuf artistes est très inégal, certaines œuvres n’ont droit qu’à une phrase d’explication et d’autres à des minutes entières. 

Le site nous propose aussi le podcast de l’exposition “Rêver l’Univers” où s’exprime Camille Roux, la médiatrice du musée, qui nous offre une version sonore et plus pédagogue de l’exposition à emmener partout avec nous… Quoi de mieux qu’écouter les réflexions d’artistes sur l’univers, en marchant dans la nature ou en ayant les yeux fermés ?

Apprentissage et médiation : le grand désavantage du confinement

Si la situation sanitaire est frustrante pour chacun d’entre nous, il n’en est pas moins vrai pour cette exposition à la médiation rudement bien pensée. En effet, un livre interactif au format PDF est proposé pour les enfants. Le livre en lui-même est très pertinent. Il donne envie de voir l’exposition et même de le faire soi-même ! Chaque explication d’œuvre est suivie d’un jeu et d’une rubrique “Le savais-tu ?”.

Malheureusement, même si ce livre est un superbe outil pour l’apprentissage, il nécessite la médiation de quelqu’un de formé sur le terrain pour certaines œuvres. Par exemple, l’œuvre Etalons de lumière de Félicie d’Estienne d’Orves permet d’apprendre la vitesse de la lumière : elle utilise un mètre pour montrer le temps que met la lumière du soleil à parvenir à une planète. Plus la règle s’éclaire rapidement, plus la planète est proche, inversement, plus elle s’allume lentement et plus la planète est lointaine. Il s’ensuit une photo des mètres utilisés et une série de timbres qui représentent des planètes, également réalisés par l’artiste, ou l’on doit entourer celle qui est la plus éloignée de la terre.  Il est difficile pour un enfant, de savoir quelle planète entourer si il n’a pas les règles qui s’allument en face de lui, ou bien un médiateur formé pour lui expliquer comment le savoir. Le format du livre n’est pas adapté pour internet dans bien des cas comme celui-ci. La superbe Eternal Sunset de Laurent Fort, représente un magnifique soleil projeté en lumière sur un mur avec un filtre coloré rose jaune et rouge dans un récipient d’eau.

Au-delà de la frustration de ne pas voir cette superbe exposition, il est difficile, dans le jeu qui suit, de relier chaque température à chaque planète du système solaire sans faire appel à internet, même s’il est possible de le déduire facilement pour un adulte. Illustré par de belles images et un fond noir étoilé, il peut être lu, réalisé et mémorisé par petits et grands, sur le terrain avec des médiateurs et en temps de pandémie, si les parents et internet les accompagnent.

Mylène Brizard, Pauline Thollet