La visite insolite du Palais du Facteur Cheval
En pleine nuit, le Palais se dévoile à nous sous les lueurs de plusieurs centaines de bougies, cette visite intime et onirique nous invite à découvrir l’univers du Facteur Cheval (1879-1912), un homme qui durant 33 ans de sa vie suivit son rêve et construisit son palais de manière acharnée, de jour comme de nuit, éclairé de quelques bougies.
Une visite live Instagram
Lors de la nuit européennes des musées “à la maison” qui s’est déroulée le samedi 14 novembre dans toute la France, les musées ont dû faire preuve d’originalité et de perspicacité afin d’offrir une programmation en ligne à travers leur plateformes numériques. Si certains musées sont en mesure de proposer des immersions virtuelles où le public est en totale autonomie pour profiter d’une exposition, d’autres confectionnent des séances vidéos en direct, où le rôle de la médiation n’est pas écarté. Pour ma part, je ne suis pas partisante des expositions numériques proposées par certains musées, telles que les expositions Google où je finis pas perdre le nord avec les déplacements dans l’espace proposés par Google Street View.
J’ai trouvé que le format de visite en live retranscrite sur Instagram était clairement plus vivant, et en effet l’événement se déroulant dans le petit village d’Hauterives dans la Drôme a été réussi avec plus de 600 auditeurs! Le seul petit bémol de la visite résidait peut-être dans la profusion de commentaires et likes qui sont retranscrits en direct par le public, si bien que la boîte de dialogue vient parasiter la quasi-totalité de l’écran du téléphone, et ça.. pendant les 40 minutes de visite, ce qui est un peu irritant. D’un côté, je trouvais ça plutôt intéressant de voir les différentes réactions du public, de sentir l’enthousiasme et l’émerveillement face à l’architecture, ses secrets, les inspirations de l’artiste. En clair, les feed back du public rendait l’événement définitivement plus réel et interactif, le public pouvait sortir de la passivité imposée par l’écran. Finalement, j’ai pu remarquer que de nombreux auditeurs se plaignaient de la gêne, l’expérience public est tout même affectée par les paramètres du numérique.
La visite avait quelque chose d’étrange, le directeur du musée Frédéric Legros, lampe torche en main, suivi de son cameraman, nous guide autour du Palais, et s’aventure dans les entrailles du curieux palais par de petits escaliers biscornus. Il n’hésite pas à nous faire part de son ressenti en direct durant cette expérience quelque peu farfelue, et oui, la visite a bien un caractère mystique, hors du temps, dans ces galeries sombres éclairées à la bougie.
“L’oeuvre d’un seul homme”
Le médiateur arpente le palais et nous présente les détails les plus cachés, comme le tombeau de sa petite brouette en bois, sa “compagne de peine, à laquelle il rend hommage. Ce palais est une merveille architecturale qui invite au rêve et à l’imaginaire à chaque instant de la visite. Il est peuplé d’un nombre incroyable d’animaux sculptés : pieuvre, serpent, biche, éléphant, pélican, ours. C’est un hommage à la nature, mais aussi aux créatures imaginaires, les fées et les personnages mythologiques. Le créateur s’inspire de la nature et des cultures du monde les plus lointaines dont il s’imprègne à travers les récits et les illustrations des cartes postales et magazines qu’il distribue tous les jours lors de ces tournées. Sans jamais avoir voyagé au-delà de Lyon, cet homme a été capable de reproduire dans son palais, des miniatures de temple indien, d’une maison blanche. Toute sa vie, il accomplit son devoir de facteur, tout en consacrant sa foi inébranlable en ses rêves. On découvre ainsi l’œuvre d’un homme autodidacte qui durant 33 ans de sa vie a bâti seul son palais de rêve, parcourant chaque jour une trentaine de kilomètres avec sa brouette, où il collecte, transporte les pierres et coquillages glanés lors de ces tournées.
C’est une visite que je recommande vivement, l’œuvre de cet homme inspirant est exceptionnelle et c’est un plaisir de découvrir ce musée en temps de confinement. Pour la nuit européenne des musées, l’action numérique propose un bon préambule, néanmoins cela suscite l’envie de se déplacer.