Une saison au Musée des Arts Décoratifs, une approche poétique et sensible des oeuvres

Le fruit de la résidence de Alexandre Humbert au MAD : 6 courts films expérimentaux tournés dans les musées désertés par les visiteurs, entre témoignage, médiation et création.

Vous vous demandez ce que deviennent toutes les œuvres d’art depuis un an, esseulées dans les musées, attendant notre retour pour être à nouveau admirées, rencontrées, entendues… ? Vous n’êtes pas les seuls ! Les musées fermés pendant un confinement, voilà qui a éveillé la curiosité du designer-réalisateur Alexandre Humbert.

IMMORTALISER UNE PÉRIODE INÉDITE

Pendant sa résidence d’un an au Musée des Arts Décoratifs (MAD), commencée en mai 2020, Alexandre Humbert rencontre les objets, les espaces et les occupants de ce lieu. Les membres de l’équipe du MAD filmés dans Les Impatients racontent leur quotidien dans un musée privé de public. Le soir, sur le toit évoque poétiquement l’attente interminable des institutions culturelles qui n’existent plus qu’à moitié sans leur raison d’être que sont les visiteurs. La caméra devient ainsi témoin d’une période inédite (malheureusement rééditée…).

FILMER L’INACCESSIBLE, MONTRER L’INVISIBLE

Ces créations permettent de garder un lien avec le public du musée, de lui montrer les expositions et les activités en cours malgré l’inaccessibilité du lieu. Automne et Hiver, les deux premiers films d’une série de quatre, sont la balade du vidéaste dans la programmation du MAD de chaque saison. La caméra nous montre ainsi les expositions invisibles en ce moment, mais également ce qui est toujours invisible au public d’un musée : le détail d’un diadème, le dessous d’un siège, les gestes professionnels des restaurateurs, la mise en place d’une robe sur son mannequin d’exposition, l’emballage d’une tapisserie… Un avant-goût bien particulier des collections exposées, tout en subjectivité et en poésie.

Détail et restauration d’une statue révélés à notre regard dans Hiver

RENOUVELER LE REGARD SUR LES ŒUVRES

L’approche de l’artiste est en effet originale : sensuelle, narrative, évocatrice, elle invite le spectateur à laisser libre court à son imagination, à ses émotions, à ses sens. Le regard que l’on pose sur l’objet est modifié : le triple fauteuil de L’Indiscret n’est plus un témoignage des modes et des usages de 1870 ou des talents des tapissiers, menuisiers et dessinateurs du XIXe siècle. Il devient presque un personnage sous la caméra de Alexandre Humbert, témoin d’une rencontre, gardien d’un secret. Et même si l’histoire du fauteuil français n’intéresse pas forcément tout le monde, l’artiste propose un lien différent à cet objet, et fait naître un intérêt nouveau, éloigné de la traditionnelle contextualisation historique et scientifique. Et puis, quand tout se passe sur un écran, un moment de culture où l’on n’a rien à lire ou à comprendre est bienvenu. On lance la vidéo et on se laisse porter pendant quelques minutes par la douceur de la musique, des images, de la voix et des mots, dans un ensemble onirique.

CRÉER DANS UN MUSÉE FERMÉ

Enfin ces vidéos ne sont pas que médiation, elles sont œuvres, fruit d’une collaboration artistique entre un vidéaste, un musicien (Arnaud Pujol), des écrivain.e.s et des lectrices. L’objet devient le point de départ et non le résultat d’une création. Cloé Pitiot, conservatrice design moderne et contemporain le souligne : « (l’objet) n’est plus le résultat d’un processus créatif mais le point de départ d’une narration, le héros d’un film, lui-même nouvel objet de design ».

Et pourtant… L’idée est bonne mais manque d’harmonie. L’ensemble est très hétéroclite : un film recueille des propos, deux présentent les expositions en cours, deux encore se concentrent sur un seul objet… On ne sait plus à quoi s’attendre en lançant chaque vidéo. La cohérence de L’Indiscret et La Lumière verte qui nous plongent dans l’intimité d’un objet manquent aux autres films et on aurait voulu une série sur ce modèle. On recherche la coordination dans la diffusion du partenariat également. Les vidéos sont toutes relayées sur les réseaux sociaux du musée, mais l’hébergement est partagé entre YouTube et Viméo ce qui empêche de suivre la chaîne via une de ces plateformes. L’audience s’en voit d’ailleurs modifiée, L’Indiscret compte 437 000 vues sur la chaîne YouTube du MAD alors que La Lumière Verte n’en a que 190 sur le compte Viméo de l’artiste. Difficile de voir la cohérence de l’ensemble… Soulignons enfin le caractère expérimental des productions qui ne parlera pas au plus grand nombre… mais ce n’est sans doute pas l’objectif !

Par ses créations, Alexandre Humbert qui propose donc non seulement au spectateur de voir les œuvres quand le musée est fermé, mais de se laisser envoûter dans une narration poétique, en musique, pour découvrir les objets sous un nouvel angle. Le MAD a ainsi fait le choix d’une résidence artistique dont les fruits pourront être montrés au public même en temps de fermeture… !

Une dernière petite minute ? Découvrez les appartements de Jeanne Lanvin de 1925 reconstitués au MAD sous l’oeil de l’artiste.

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