Souvenirs sous mots
Bibliothèques, librairies, rayons livres dans les supermarchés, bâchés, pas essentiels. A l’heure où le gouvernement décide de ce qui est nécessaire ou non à l’être humain, que ce manque d’ailleurs de culture et de beau a pris trop de place aujourd’hui, un des recours possible pour tenter de s’extirper de l’atmosphère du moment reste, entre autre, la pile de livres achetés mais jamais lus. Dans cette pile se trouvait, Un Parfum d’herbe coupé de Nicolas Delesalle. Aux allures de vacances tant par sa couverture que par son titre, ce livre a attiré mon attention.
Léguer du vécu
Un jour d’été accompagné d’une intention d’acquérir de nouveaux livres, je me rends dans une librairie. L’odeur propre à ce lieu, celle des livres neufs et des magazines, du papier et de l’encre accentue la volonté de plonger le nez dedans. En choisir un seul? C’est rarement possible. Alors on en prend plusieurs, de poches pour les économies et pour la place. Quelle agréable surprise lorsqu’en plus on voit affiché “ Un Livre offert pour deux Livres de poches achetés”. Dans un bac à l’entrée, une multitude de livres, 12 fois le même pour certains, c’est dans ce bac de livres que l’on ne vendra plus que j’ai déniché celui de Nicolas Delesalle.
Reporter et auteur de nouvelles, Nicolas Delesalle nous raconte dans ce livre, ses souvenirs, des anecdotes, des moments de joies simples, ces fragments d’enfance qui ont compté. Sous la forme de nouvelles distinctes, il se remémore des petits riens, des instants simples et banals qui sont si importants de vivre pour trouver et forger notre identité. Il dit qu’il ne connaît pratiquement rien de ses arrières-grands parents ou grands-parents, des émigrés de la révolution russes, des italiens, des irlandais dont il ne connaît ni l’histoire, ni le physique, ni le regard ou la personnalité. Il choisit alors grâce à ce livre, plutôt que de léguer de la vaisselle, un tableau ou d’autres choses matérielles, de faire cadeau d’instants à son arrière-petite-fille imaginaire.
La mémoire en tweet
On peut se dire que bien que racontant des souvenirs qui lui appartiennent, les rentrées d’école, les départs en vacances, les chansons en boucle dans la voiture, ce livre rassemble la mémoire collective. Dans ce livre, il semble mettre en avant l’héritage identitaire. D’où venons-nous, qui sommes-nous, où allons-nous, ces questions que l’on se pose pour grandir, se construire et avancer. Par le biais de sa propre quête d’identité, il semble anticiper celle de sa descendance, la rendant alors plus libre de son passé et de son histoire.
Ces histoires, Nicolas Delesalle les raconte d’abord sur Twitter. Cette plateforme lui permettant de constituer des threads (tweets qui se suivent) il l’utilise à bon escient pour conter ses souvenirs. Il obtient alors très vite de plus en plus de retweets et de likes, c’est grâce à ce réseau social que ses anecdotes touchent et plaisent à un panel varié de spectateurs. Née sur twitter, cette idée prend alors la forme d’un livre. Cependant aujourd’hui c’est dans le bac des livres offerts que je le retrouve. Sur la première page se trouve aussi l’annotation “Ce livre est offert par votre librairie et ne peut être vendu” . On peut alors se demander comment un livre né grâce à l’engouement des “twittos” finit par ne pas être mis en vente. Qui prend la décision de mettre dans le bac à livre, l’objet que l’on obtiendra si on en achète d’autres en échange? Comment a-t-il atterri ici et quels ont été les critères de sa mise à l’écart?