Flâner à la Halle de la machine
A l’aube de son troisième automne, la Halle de la Machine continue de gesticuler et propose à son public une déambulation onirique et vivante.
Les oiseaux sont désormais les seuls à s’envoler de cette ancienne piste de décollage à peine amochée. Longue de presque 71000 pouces, la piste des Géants est le théâtre d’une activité en plein développement.
Au milieu de cette étendue de béton, un bâtiment-hangar attire le regard. En ce vendredi 23 octobre, il est accompagné d’un cortège de voix infantiles qui vocifèrent sur une créature mi-homme mi-taureau de 47 tonnes. « Minotaure, crache, crache ! » ordonne le cœur d’enfants. La bête s’exécute et voilà la dizaine de petits gilets jaunes trempés jusqu’aux os ( ou presque ).
L’intérieur du bâtiment est impressionnant. Les immenses cloisons de verre exhibent des dizaines de bestioles mécaniques qui roupillent. Les habituelles flèches directionnelles et autres panneaux « suite de la visite » sont absents. Je ne sais pas par où commencer. Un peu désorientée par cette liberté de visite, je décide de suivre la famille juste devant moi et me retrouve devant les plus petites machines de la Halle.
Un petit ours polaire désarticulé côtoie toute une ménagerie bizarroïde et des croquis fantasques. Les cartels sont brefs et se contentent de donner des informations techniques sur les machines. D’abord perturbée, je me rends compte que cela permet à chacun de s’imaginer sa propre histoire. Devant un assemblage sans queue-ni-tête un petit blondinet interpelle sa mère : « Regarde maman, on dirait un ninjago ».
Des mélodies métalliques retirent les groupes de visiteurs de leurs rêveries. Ils se dirigent vers le fond du hangar. Là-bas des instruments ordinaires sont entremêlés, collés, soudés pour créer de nouveaux instruments extraordinaires. Deux machinistes, en combinaison orange-acidulé, ramènent les familles dispersées et présentent une drôle de roue composée de guitares « accordées en ré mineur ». Ils nous racontent l’histoire de cette machine musicale et actionnent la roue. La mélodie s’accélère jusqu’au glas final : trois petites notes qui entraînent des applaudissements enjoués.
Je me retire de la foule pour me diriger vers la machine à tartines. Là, une autre machiniste se contorsionne. Elle se concentre pour assurer la rencontre entre un morceau de pain de mie et une spatule pleine de pâte à tartiner. « ça y est les deux sont accouplés ! ». Deux chérubins applaudissent et récupèrent la tartine. La comédienne prévient « attention, il y a un petit problème avec cette machine. Elle peut amener à une maladie qu’on appelle le diabète. On en meure vers 7 ans et demi à peu près ». Qu’importe, Les deux gloutons ont déjà avalé la tartine.
Deux heures et quelques rouages plus tard, je sors du lieu. J’ai le sentiment de sortir d’une exposition mêlée à une pièce de théâtre. Une seule visite n’est pas suffisante pour profiter de cette annexe des Machines de l’Ile. Entre les nombreuses démonstrations des machinistes, les créatures chimériques et les projections filmiques, il faudrait prévoir une journée complète pour profiter du spectacle.